David SAUSSIER
Pascal XXXXXXXXXXXXXXXXX
La révolution copernicienne
Blaise Pascal (1623 – 1662)
Blaise Pascal est à la fois un mathématicien, physicien expérimental, inventeur, philosophe et théologien français Il a donné son nom à une unité de pression (le pascal), a inventé l'une des premières machines à calculer, et a révolutionné la manière de penser le hasard et la condition humaine.
Idée centrale :
« Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. »

L’homme et son époque :
Blaise Pascal naît le 19 juin 1623 à Clermont‑Ferrand (Auvergne, France), dans une famille bourgeoise cultivée.
Sa mère meurt alors qu'il n’a que trois ans. Son père, Étienne Pascal, magistrat et passionné de mathématiques, décide de s'occuper lui-même de l'éducation de ses enfants.
En 1631, la famille s’installe à Paris pour offrir aux enfants un environnement intellectuel plus riche. Très tôt, le jeune Blaise se montre d’une intelligence hors du commun. À l’adolescence, il fréquente le cercle du mathématicien Mersenne, où passent Descartes, Fermat et les grands esprits scientifiques de l’époque.
L’Europe du XVIIᵉ siècle est en pleine effervescence :
- La révolution scientifique est en marche, après Copernic, Kepler et Galilée.
- Les guerres de religion ont profondément marqué les esprits.
- Le rationalisme cartésien commence à s’imposer : la raison devient l’arbitre de la vérité.
- Les milieux chrétiens débattent violemment de leurs idées (jésuites, jansénistes, etc.).
Dans ce contexte, Pascal, héritier de la révolution copernicienne et contemporain de Descartes et Fermat, est à la croisée de trois mondes : celui des savants, celui des inventeurs et celui des mystiques.
Un génie précoce :
Dès l’adolescence, Pascal étonne par son génie mathématique.
À 16 ans, il rédige un essai sur les coniques (le « théorème de Pascal »), qui impressionne les savants plus âgés.
À 19 ans, pour aider son père qui doit gérer des comptes d’impôts, il invente la pascaline , une machine à calculer mécanique capable d’additionner et de soustraire. C’est l’ancêtre des calculatrices et des ordinateurs.
La montre déjà deux traits de caractère spécifiques de Pascal :
- Une capacité abstraite exceptionnelle (mathématiques de très haut niveau).
- Un souci pratique : transformer les idées en outils concrets.
Méthode et démarche intellectuelle
Autrement que Descartes, dont la méthode est centrée sur le doute et l'évidence de la raison, Pascal adopte une posture scientifique et spirituelle :
  • En mathématiques et en science : il expérimente, combine géométrie, calcul, mécanique et pensée du vide ou de la pression.
  • En philosophie/théologie : il met l'accent sur la condition humaine, le cœur, la foi, plus que sur la seule raison rationnelle.
  • Son œuvre se caractérise par une quête de vérité globale : pas seulement « comment » le monde fonctionne (science) mais aussi « qu'est-ce que l'homme », « quelle est la relation à Dieu ».
    Ainsi, il incarne un modèle de savant-chercheur chrétien plutôt qu'un pur rationaliste.
Expériences sur le vide, la pression et la nature de l’air :
Au XVIIᵉ siècle, on débat encore de l’existence du vide. Beaucoup de savants, suivant Aristote, pensent que « la nature a horreur du vide ».
Pascal va tester expérimentalement ces idées.
Il s’appuie d’abord sur les expériences de Torricelli (en Italie), qui a inventé le baromètre à mercure. Pascal comprend que la hauteur de la colonne de mercure dépend de la pression de l’air.
Il organise alors une expérience célèbre : l’expérience du Puy de Dôme (près de Clermont-Ferrand).
  • On mesure la hauteur du mercure au pied de la montagne.
  • On mesure à nouveau au sommet.
  • Résultat : la colonne de mercure est plus basse en altitude → la pression de l’air y est plus faible.
Conclusion : l’air a un poids, la pression diminue avec l’altitude, et ce n’est pas « la nature » qui fuit le vide, mais simplement la pression atmosphérique qui soutient la colonne de mercure.
Il démontre ainsi que l'air exerce une force.
Avec ces expériences, Pascal contribue à fonder :
  • La physique des fluides.
  • La notion moderne de pression.
  • L’idée que les phénomènes naturels doivent être étudiés par l’expérience et la mesure.
Le Principe de Pascal - Comprendre la pression dans les fluides
Le principe de Pascal est fondamental en physique et en ingénierie.
Il explique pourquoi des systèmes comme les freins hydrauliques, les vérins ou les presse hydrauliques fonctionnent.
Le principe de Pascal, pierre angulaire de l'hydrostatique, stipule qu'une pression exercée sur un fluide se transmet intégralement et uniformément dans toutes les directions.
1. Qu'est-ce qu’une pression ?
La pression est une force répartie sur une surface.
$$ P = \frac{F}{S} $$
avec P = pression (en Pascal, Pa), F = force exercée (en Newton, N), S = surface sur laquelle la force agit (en m2)
Exemple simple :
Si on appuie avec 10 N (environ 1 kg) sur 1 cm2, la pression est beaucoup plus grande que si on appuie avec la même force sur 1 m2.
C'est pour ça que marcher avec des talons aiguilles laisse des marques dans le parquet, et pas les chaussures !
2. Pression dans un liquide au repos
Dans un liquide immobile (eau, huile, etc.), la pression augmente avec la profondeur à cause du poids du liquide au-dessus.
𝑃 = 𝑃0 + 𝜌⋅𝑔⋅ℎ
P = pression totale à la profondeur h (m), P₀ = pression à la surface (ex. atmosphère = 101 325 Pa ≈ 1 bar)
ρ (rho) = masse volumique du liquide (kg/m3) → pour l'eau : ρ = 1000 kg/m3
g = accélération de la gravité (9,81 m/ssup>2) : (on va arrondir à 10 m/s2 pour simplifier les calculs)

Exemple : à 10 m sous l'eau, la pression est environ 2 bars (1 bar atmosphérique + 1 bar dû à la colonne d'eau).
3. Le principe de Pascal : transmission de la pression
« Toute pression exercée sur un fluide incompressible et au repos se transmet intégralement et uniformément dans toutes les directions. »
Cela signifie que si on appuie sur un liquide dans un récipient fermé, la pression se propage partout sans aucune perte.
4. Application pratique : deux pistons reliés
On prend deux cylindres reliés et remplis du même liquide, de surface S1 et S2.
On exerce une force F1 sur le petit piston (surface S1), et le fluide transmet cette pression au second piston (surface S2).
Puisque la pression est la même partout : P1 = P2
Or, la pression se définit par
$$ P = \frac{F}{S} \Rightarrow \frac{F_1}{S_1} = \frac{F_2}{S_2} \Rightarrow F_2 = \frac{F_1 \cdot S_2}{S_1} $$
Schéma des pistons
5. Conséquences
Si la surface du deuxième cylindre S2 est plus grande que la surface du premier cylindre S1, alors F₂ > F₁ → La force est amplifiée. → On peut soulever une voiture avec un petit effort !
En revanche, le déplacement du gros piston est plus petit que celui du petit piston (conservation de l’énergie).
6. Exemple numérique
Soit le petit piston : diamètre = 5 cm → surface S1 = 0,00196 m² (S1 = π.R2)
Soit le grand piston : diamètre = 20 cm → surface S₂ = 0,0314 m²
On applique une force sur le petit piston : F1 = 100 N (~10 kg)
alors 𝐹2 = 100 × 0.0314 × 0.00196 = 1602 N --> on obtient une force équivalente à 160 kg à la sortie de S2 !
C'est exactement le principe utilisé dans les garages pour les ponts élévateurs.
7. Applications courantes
  • Freins hydrauliques : une petite pression sur la pédale est amplifiée pour serrer les plaquettes de frein.
  • Vérins et grues hydrauliques : soulèvent des poids énormes.
  • Presses industrielles : pour compacter ou découper des matériaux.
Le mathématicien :
Blaise Pascal occupe une place majeure dans l’histoire des mathématiques.
Souvent cité pour son rôle dans l’invention de la calculatrice mécanique (la Pascaline), son apport le plus fondamental se situe dans trois domaines :
1. La géométrie projective
2. Le calcul combinatoire et le “triangle de Pascal”
3. La naissance du calcul des probabilités
Ces travaux posent plusieurs bases de la mathématique moderne.
1) Géométrie projective — le théorème de Pascal
À seulement 16 ans, Pascal écrit un traité sur les coniques (ellipse, parabole, hyperbole). Il y énonce un résultat aujourd’hui appelé théorème de Pascal :
Si six points sont placés sur une même conique, alors les points d’intersection des couples de côtés opposés du polygone ainsi formé s’alignent sur une même droite.
Ce résultat est essentiel parce qu’il marque une nouvelle façon de penser la géométrie : on ne s’intéresse plus seulement aux longueurs et mesures (géométrie euclidienne), mais aux relations invariantes par projection.
Ce théorème est à l’origine d’une branche entière : la géométrie projective, qui inspirera plus tard Desargues, Poncelet et les mathématiciens du XIXᵉ siècle.
2) Le Triangle de Pascal — combinatoire et binômes
Le triangle de Pascal est un tableau arithmétique dans lequel chaque nombre est la somme des deux nombres situés au-dessus de lui.
1
11
121
1331
14641
15101051
Bien que des versions existaient déjà en Chine, en Perse ou chez les mathématiciens italiens, Pascal est le premier à en donner une analyse complète, fondée et généralisée, dans son ouvrage Traité du triangle arithmétique (1654).
Ce triangle permet :
le calcul des coefficients binomiaux dans l’expression :
$$ (a+b)^n = \sum_{k=0}^{n} C\binom{n}{k}.a^{n-k}.b^k $$
$$ avec : C\binom{n}{k}=\frac{𝑛!}{𝑘!.(𝑛−𝑘)!} $$
le comptage de combinaisons possibles dans une sélection d’objets
la construction de séquences (Fibonacci, valeurs de probabilité, etc.)
Ce triangle devient ainsi l’outil fondamental de la combinatoire moderne.
3) La naissance du calcul des probabilités (avec Fermat)
Le domaine des probabilités n’existait pas.
Il émerge d’un problème simple : comment répartir équitablement une mise lorsque un jeu de hasard est interrompu avant sa fin ?
Les joueurs posent la question à Pascal, qui échange une correspondance historique avec Pierre de Fermat (1654).
De cette réflexion naissent deux idées clés :
a) La notion d’événements équiprobables
Une chance sur 6 pour un dé → 1/6
Mais pour des jeux plus complexes (comme le jeu de dés ou de hasard conditionnel), il faut compter toutes les issues possibles. ce que permet le triangle de Pascal et la combinatoire.
b) L’espérance mathématique
Pascal introduit l’idée que l’on peut attribuer une valeur mathématique moyenne à un événement aléatoire.
Cette notion est au cœur de :
  • l’assurance
  • la finance moderne
  • les statistiques
  • l’informatique
  • la théorie du risque
  • l’IA et le machine learning
4) Autres contributions mathématiques
- Utilisation systématique de la méthode de récurrence mathématique (pas encore formalisée à l’époque).
- Études sur les cycloïdes (courbes géométriques issues du mouvement circulaire), notamment dans le cadre de problèmes proposés par Descartes.
Pascal n’a pas seulement résolu des problèmes. il a inventé de nouveaux langages mathématiques.
Ses travaux marquent la transition entre les mathématiques anciennes (géométriques) et les mathématiques modernes (abstraites, probabilistes, combinatoires).
La vision du monde de Pascal
Pour la science, il est rationaliste et expérimental : il calcule, il démontre, il mesure, il conçoit des dispositifs ingénieux.
Mais pour parler de l’homme et de Dieu, il pense que la raison est limitée.
« Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. »
Cette phrase célèbre résume sa position : il y a en l’homme une dimension intime, affective, spirituelle, qui dépasse les démonstrations logiques. Pour comprendre l’homme, il faut tenir compte à la fois de sa grandeur (sa capacité de penser l’infini) et de sa misère (sa faiblesse, sa mortalité, sa culpabilité).
La nuit du « Mémorial » et la conversion :
Le 23 novembre 1654, Pascal vit une expérience mystique intense qui marque un tournant dans sa vie. Pendant environ deux heures, il se sent profondément saisi par la présence de Dieu. Après cette nuit, il écrit quelques lignes enflammées sur un petit parchemin, qu’il coud à l’intérieur de sa veste : le « Mémorial ».
On y lit notamment : « Feu. Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants. »
À partir de ce moment, Pascal se rapproche du courant janséniste (notamment de Port-Royal).
Sans renoncer à la raison, il place désormais son génie au service de la foi et de la réflexion spirituelle.
Les Provinciales : le polémiste :
Entre 1656 et 1657, Pascal écrit les « Lettres provinciales ». Sous le pseudonyme de Louis de Montalte, il critique avec ironie certains raisonnements moraux des jésuites (la casuistique).
Les Provinciales sont un chef-d’œuvre de la langue française : Le style est vif, clair, mordant. L'humour et l'ironie sont au service d’un débat théologique très sérieux. Son influence sera durable sur la prose française.
Les « Pensées » : l’homme entre misère et grandeur :
L’œuvre la plus célèbre de Pascal, les « Pensées », est en réalité un ensemble de fragments retrouvés après sa mort. Il préparait un grand ouvrage de défense de la religion chrétienne, mais n’a jamais eu le temps de l’achever.
Ces fragments, rassemblés et publiés, sont devenus un monument de la philosophie.
Pascal y analyse la condition humaine :
  • L’homme ne supporte pas de rester seul face à lui-même → il cherche le « divertissement » (jeux, mondanités, guerres, affaires) pour fuir ses angoisses.
  • L’homme est misérable (faible, incertain, subjectif) mais aussi grand : il sait qu’il est misérable, mais il peut penser l’univers tout entier.
  • La raison ne suffit pas à trancher la question de Dieu.
Pascal propose alors le fameux « pari de Pascal » : si Dieu existe, il y a tout à gagner à croire, et beaucoup à perdre à ne pas croire ; si Dieu n’existe pas, on n’a pas grand-chose à perdre à avoir cru.
Il ne s’agit pas d’une preuve mathématique de l’existence de Dieu, mais d’un raisonnement sur le choix de vie.
Héritage
La santé de Pascal a toujours été fragile. À partir de 1659, il souffre de plus en plus (probablement de maladies neurologiques et digestives graves). Il meurt à Paris le 19 août 1662, à l’âge de 39 ans. Il laisse derrière lui des textes scientifiques, des lettres, des fragments, et surtout l’image d’un génie tourmenté, intense, partagé entre le laboratoire et la prière.
L’héritage de Pascal est immense :
En physique :
- Expériences fondatrices sur le vide, l’air et la pression.
- Principe de Pascal en hydraulique.
- L’unité de pression « pascal » (Pa) porte son nom.
En mathématiques :
- Développement de la théorie des probabilités.
- Triangle de Pascal, combinatoire, méthodes de démonstration.
En technologie :
- L’une des premières machines à calculer de l’histoire (la pascaline), ancêtre des ordinateurs.
En philosophie et en littérature :
- Analyses profondes de la condition humaine, du divertissement, de la foi.
- Une langue française d’une clarté et d’une force remarquables.
Pascal reste une figure emblématique du XVIIe siècle. Son héritage démontre que la science et la spiritualité peuvent coexister et s'enrichir mutuellement. :
Avec Pascal, on comprend que la science peut coexister avec le doute, la foi et la réflexion sur le sens de l’existence. :
Quelques fiches :