David SAUSSIER
Kepler - Lois des planètes
La révolution copernicienne
Johannes Kepler (1571 – 1630)
Johannes Kepler naît le 27 décembre 1571 à Weil der Stadt, près de Stuttgart, dans le Saint-Empire romain germanique (actuelle Allemagne).

Il grandit dans une époque troublée : guerres de religion, conflits politiques, famines.
Son père est soldat, souvent absent ; sa mère, accusée plus tard de sorcellerie.
Enfant maladif, il souffre de troubles de la vue, mais possède une intelligence exceptionnelle et une curiosité insatiable.

Dès l'école, il se passionne pour l'astronomie.
À 9 ans, il observe la grande comète de 1580, puis l'éclipse lunaire de 1582 : deux événements qui le marquent profondément.

Kepler étudie la théologie et les mathématiques à l'université de Tübingen, bastion du protestantisme. Il y découvre les idées de Copernic, alors interdites dans de nombreux milieux religieux. Son professeur, Michael Maestlin, l'initie en secret au modèle héliocentrique.

« Le Soleil est comme le roi qui, assis sur son trône, distribue la vie à tout son royaume. »
- Kepler, étudiant à Tübingen
Kepler devient vite convaincu que ce modèle n'est pas une hérésie, mais une vérité divine, cachée dans les mathématiques.
Contexte historique : entre Réforme et Renaissance :
Kepler vit dans une Europe en plein bouleversement :
  • La Réforme protestante divise la chrétienté.
  • Les Guerres de religion ravagent le Saint-Empire.
  • La science cherche à s'émanciper de l'autorité d'Aristote et de l'Église.
  • Le télescope n'existe pas encore : les astronomes travaillent à l'œil nu, avec des instruments de visée et des tables de calculs.
C'est aussi l'époque de Tycho Brahé, le grand observateur danois, qui mesure les positions planétaires avec une précision inédite.
Une vie errante et difficile :

En 1594, Kepler devient professeur de mathématiques à Graz (Autriche). C'est là qu'il publie son premier grand ouvrage, le Mysterium Cosmographicum (1596), où il tente de prouver que Dieu a ordonné le système solaire selon les cinq solides de Platon (cube, tétraèdre, dodécaèdre, icosaèdre, octaèdre).

Il pense que les distances entre les planètes correspondent à ces formes parfaites imbriquées les unes dans les autres : il a une vision mystique et géométrique du cosmos.

« La géométrie existait avant la création du monde : elle est éternelle comme Dieu lui-même. »
Mais ses idées, trop spéculatives, ne convainquent pas.
Chassé de Graz en 1600 pour sa foi protestante, il accepte l'invitation de Tycho Brahé, à Prague, pour collaborer à ses observations planétaires.
La rencontre décisive avec Tycho Brahé :

Tycho Brahé est alors le plus grand observateur du monde, doté d'instruments géants et de méthodes de mesure d'une précision sans équivalent. Mais il est aussi orgueilleux et méfiant.

Kepler, plus jeune et sans moyens, devient son assistant.
Les deux hommes se heurtent souvent (le mystique contre le matérialiste) mais leur collaboration est décisive.

À la mort de Tycho (1601), Kepler hérite de ses précieuses données d'observation.
Et notamment des mesures de la planète Mars, dont le mouvement semblait inexplicable.

La méthode de Kepler : la foi dans les nombres :

Pendant plus de dix ans, Kepler travaille sur Mars, seul, calculant à la main des milliers de positions. Il veut concilier l'observation et la géométrie parfaite de l'univers.
Mais rien ne colle.
- Les cercles ne fonctionnent pas.
- Les excentriques non plus.
- Il essaie encore et encore.

Et puis un jour, il ose une idée radicale :

Et si les orbites n'étaient pas circulaires… mais elliptiques ?

C'est une hérésie mathématique. Le cercle est symbole de perfection divine.
Mais Kepler accepte de sacrifier la perfection pour la vérité.
En 1609, il publie Astronomia Nova (Nouvelle Astronomie), fruit de ses années de travail.
Les trois lois du mouvement planétaire :
Dans ses ouvrages successifs (Astronomia Nova, Harmonices Mundi, Epitome Astronomiae Copernicanae), Kepler énonce les trois lois qui gouvernent le mouvement des planètes :
Première loi (1609) : Les planètes décrivent des ellipses, dont le Soleil occupe un des foyers.
Deuxième loi (1609) : Le rayon vecteur reliant une planète au Soleil balaie des aires égales en temps égaux.
=> la planète accélère quand elle se rapproche du Soleil.
Troisième loi (1619) : Le carré de la période de révolution d'une planète est proportionnel au cube de sa distance moyenne au Soleil.
Ces lois sont empiriques, c'est-à-dire tirées des observations, non d'une théorie mécanique. Mais elles offrent, pour la première fois, une description quantitative, exacte et universelle du mouvement céleste.
Les réactions à son époque :
Les contemporains de Kepler ne comprennent pas toujours l'importance de ses travaux.
  • Les savants traditionnels refusent d'abandonner le cercle, symbole de perfection.
  • Les ecclésiastiques voient d'un mauvais œil ce nouveau modèle copernicien renforcé.
  • Même Galilée, pourtant héliocentriste, lit à peine Kepler et reste méfiant envers les ellipses.
Kepler reste isolé, pauvre, souvent malade, obligé de fuir les guerres. Il perd plusieurs enfants, son épouse, et doit défendre sa propre mère, accusée de sorcellerie (il la sauvera de justesse après un procès de six ans).
Mais malgré tout, il ne renonce jamais.
Héritage et influence :
Kepler meurt en 1630, seul et presque oublié.
Mais ses lois vont devenir le socle de la mécanique céleste.
Newton, en 1687, s'appuiera directement sur les travaux de Kepler : il montrera que les trois lois de Kepler découlent directement de la gravitation universelle.
→ Kepler a décrit ce qui se passe ; Newton explique pourquoi.
Ses travaux marquent le passage d'une cosmologie symbolique (harmonie, perfection divine) à une cosmologie scientifique (lois, mesures, équations).
Kepler est à la fois le dernier des mystiques et le premier des scientifiques modernes. Il cherche Dieu dans la géométrie, mais il accepte les faits quand ils contredisent son rêve.
Comme héritage, il a donné au ciel une forme mathématique.
Il a relié la foi et la raison.
Il a ouvert la voie à Newton, Einstein, et à toute la physique moderne.
Quelques fiches :